samedi 30 mars 2013

Le Combat ordinaire

Il est 05 heures, je me lève dans un réflexe, les yeux encore fermés. Je passe aux toilettes, prépare un café , allume une clope et la télé comme un putain d'automate. Je zappe frénétiquement pour finalement m'anéantir devant les clips d'M6. Je suis déjà en retard, obligé de courir pour attraper le métro, les Stones hurlant dans les oreilles. Je traverse la ville comme un fantôme, arrive à l'usine juste à l'heure. 8 Heures devant le même atelier à répéter les mêmes gestes. J'exécute sans réfléchir. Mon corps est dans une routine insignifiante mais mon âme est ailleurs. Je revois Varsovie sous la neige, ton sourire framboise et des tangos à n'en plus finir. Mais le songe est éphémère, le patron nous sommes d'augmenter la cadence. Aller plus vite, toujours plus vite. Il faut sacrifier ta santé et ta dignité pour que les actionnaires remplissent leurs piscines intérieures de putes tchèques à peine majeures. Il paraît que la révolte gronde, que le peuple en a marre mais je ne vois rien venir. Je ne vois rien d'autre que de la résignation et du désespoir dans les yeux des collègues. Et dans les miens aussi. Il n'y a plus d'idéaux, plus de rêve auquel se raccrocher. Juste une question de survie, sans éclat et sans joie. Alors j'attends. J'attends la fin de la journée, me retrouver au bar entre amis. Quelques clopes, quelques bières, des discussions footballistiques au comptoir et des voyages à la térébenthine dans l'intimité des toilettes. Quelques heures de répit.
J'ai la délicate sensation que pour l'instant l'horloge se fout de ma gueule alors je recharge mon agrapheuse comme on rechargerait un flingue en sachant très bien qu'un jour ou l'autre tout cela finira mal.