lundi 24 juin 2013

60.10 / 25.0

Assis sur le parquet de ta chambre
Tango de Saez dans les enceintes
J'entends ta respiration
Devine tes sanglots
Je sors une cigarette
Tu me craques une allumette
M'enjambes pour ouvrir la fenêtre
Puis te rassieds en tailleur, dos au mur.
Je sors un calepin de ma poche
Te fais un dessin à l'aide de mes cendres
Te le fais glisser à même le sol.
Tu le ramasses et l'observes
Réajustes une mèche de tes cheveux derrière ton oreille
J'aperçois ton sourire à la lueur de ma Lucky Strike.
Je me rapproche de toi
Essuie tes larmes de mon pouce.

J'ai hâte que tu m'embrasses.




samedi 15 juin 2013

Tolosa

Elle dort encore. Ses cheveux ont désertés son cou mais aussi sa clavicule gauche. J'y déposerai un baiser si j'en avais le talent. Je la regarde dormir, adossé à la fenêtre, cigarette à la bouche. Le bonheur envahit la pièce, se mélant à ce je ne sais quoi d'exceptionnellement beau et convulsif qui s'émane d'elle y compris durant son sommeil.

Lentement, elle se réveille, ouvre délicatement ses yeux dont je cherche immédiatement la présence. Elle s'étire, s'assied en tailleur sur le lit, son visage est embrumé. Elle finit par se lever, se blottit contre la chaleur du radiateur. Son sourire fait naître le mien, son regard empli de malice, ses lèvres s'entrouvrent.

"On va petit-déjeuner ? "

samedi 8 juin 2013

Schlossgarten

"Est ce que tu es heureux ?" 

Je ne m'attendais pas à cette question. Je n'ai pas su quoi répondre alors j'ai légérement haussé le coin gauche de mes lèvres, caressé une mèche de ses cheveux et j'ai fui. J'ai traversé le parc à la recherche d'une sortie, retrouver l'agitation de la ville et acheter des cigarettes.
De retour au jardin, j'ai fumé la totalité du paquet en un élan, vagabondant, regardant l'eau des fontaines s'écouler. Et puis je suis revenu à elle. En montant les escaliers je l'ai vu apparaitre, petit à petit. J'ai pris mon temps sur les marches, savourant cete apparition et le bonheur qui en découle. Assise en tailleur, elle dostoievskinne. Je m'installe à ses cotés, la laisse finir son chapitre, attends son regard.

"Globalement,
Non."

samedi 1 juin 2013

Agnieszka

 J'ai rencontré Agnieszka à Glastonbury. 
Bagarre générale lors du concert des Kasabian, j'interviens pour la défendre d'un anglais aussi bourré que raciste. Pour seul remerciement elle me crache au visage, m'affirmant qu'elle pouvait très bien se défendre toute seule. J'ai immédiatement su que j'allais passer quelques années avec cette fille. 
Première étreinte, la langue des Stones tatouée sur sa cuisse achève de me convaincre. La blancheur de sa peau, les cernes sous son regard, au sein duquel dureté et beauté s'enlacent,  la noirceur de ses cheveux, tout en elle me rappelle Saint Pétersbourg. Je ne pouvais m'empêcher de rêver de nuits blanches où l'idéal de ses jambes viendrait illuminer le gris des bâtiments et où la chaleur de ses mots ferait apparaitre le crépuscule.
Elle était comme un accident de voiture  et à l'heure où les femmes sont devenues aussi connes que les hommes, c'était une véritable lueur d'espoir.

Agnieszka m'a suivi à Lyon, nous avons investi un deux pièces dans une artère de Bellecour. Chaque matin, elle avait pris l'habitude de se lever avant le soleil afin de voir, au loin, ses premiers rayons illuminer la Tour Crayon. Elle trouvait ce spectacle magnifique pendant que je m'exaspérais d'être réveillé si tôt. Mais comme elle me laissait m'anéantir sur ses lèvres, je lui pardonnais. Ca et le reste aussi. Car Agnieszka était maniaque. Elle ne supportait pas que je m'ouvre les veines pour écrire de mon sang des phrases stupides sur les murs. 

Je suis un bébé Joy Division. 

Mais un matin, après une nuit de sueur et de vodka, j'ai fait mon sac et, enfourchant mon Vespa obsolète, je suis parti.

J'étais arrivé au point de rupture.
Agnieszka avait cette manie, 
ce véritable TOC autant insurmontable qu'irrévocable,

elle était amoureuse de moi.

samedi 18 mai 2013

Les Roses Russes sont forcément rouges

"- J'aime sentir tes yeux posés sur moi. Tu as une jolie rage.
- Ah bon?
- Oui. Je te sens usé. Tu es empli d'une tristesse permanente que le temps aggrave, seconde après seconde.
- Tu m'allumes une cigarette ?
- Tu ne peux pas le faire tout seul?
- Je préfère avoir le goût de tes lèvres quand je fume.
- Je voudrais tant que tu me parles, que tu m'expliques pourquoi. Pourquoi le quotidien t'écorche à ce point. A vif. Pourquoi ton âme a déserté aux louanges des nuages. Pourquoi tes pensées plongent ton coeur dans un bain de sang. Il y a tant de questions auxquelles je n'ai pas de réponse. Je voudrais tant que tu m'aides.
- Il n'y a rien que tu puisses comprendre.
- Raconte moi ta ville au moins.
- Lyon c'est comme Paris.
Mais en beau.
- Tu m'aimeras autant un jour?
- Non.
Evidemment que non.
- On a une durée limitée nous deux, pas vrai?
- Je n'ai jamais rien dit de tel.
- Peut-être, mais je le sais. Tu ne m'aimes pas, je l'ai toujours su. Pour autant je n'ai pas pu te résister, encore moins me passer de toi. Mais je ne suis qu'une pommade que tu appliques sur tes plaies pour atténuer les douleurs qui t'animent. Et comme tout médicament, un jour tu te lasseras de moi, je ne ferais plus effet. Alors, au milieu de la nuit, je le sais, tu t'en iras.
- Arrête.
- Promets moi juste une chose, quand tu décideras de partir, ne me préviens pas. Embrasse moi dans mon sommeil, d'un baiser tendre et, dans la froide déchéance de la nuit, n'oublie pas de fermer la porte en sortant."

samedi 11 mai 2013

La Fille de Stuttgart

Lyon, 2ème arrondissement, 06h30.

Deux hommes sortent du métro, sens inverse de la foule. Habillés en costards, des cernes sous les yeux. Ils tournent à droite, s'arrêtent devant le petit bonhomme rouge malgré l'absence de circulation. Le premier sort une cigarette de sa poche intérieure , y met le feu et la passe instinctivement au second, sans avoir pris le temps de la consummer. Regards complices et fumée commune, ils traversent et se rendent devant un coffee-shop.
"- Tu crois qu'il y a des vies où il ne se passent rien?
- La plupart.
- Les nôtres ?
- La tienne je ne sais pas.
- Si je meurs demain, invente moi un passé. Raconte que l'on m'a aimé. Des filles formidables. Raconte que j'ai vécu des choses extraordinaires, et pas uniquement pendant mes hallucinations sous crack. Tu promets ?
- Promis.
- Je ferai pareil si tu veux.
- Je n'ai jamais dis qu'il ne s'était rien passé dans ma vie."

Une nouvelle cigarette prend vie devant l'entrée et le tranfert de clients.

"- Tu veux qu'on aille à Deauville ?
- Qu'est ce qu'on irait foutre à Deauville ?
- Allez, ça fait longtemps! Juste un weekend. On ne parlera de rien de sérieux. On ira déambuler sur la plage en jean's et marinière pour courir après les mouettes. On passera la soirée enfermés dans la chambre d'hôtel à écouter Kasabian en buvant du vin millésimé. Ce sera beau, je suis sûr qu'il va pleuvoir sur Deauville.
- On irait avec elle?
- Evidemment."
D'un geste désinvolte la Marlboro Light se transforme en mégot.

Une fille arrive, dépose un baiser sur la joue de chaque garçon. Son sourire fait naitre le leur.
"- Gehen Wir ?"


samedi 30 mars 2013

Le Combat ordinaire

Il est 05 heures, je me lève dans un réflexe, les yeux encore fermés. Je passe aux toilettes, prépare un café , allume une clope et la télé comme un putain d'automate. Je zappe frénétiquement pour finalement m'anéantir devant les clips d'M6. Je suis déjà en retard, obligé de courir pour attraper le métro, les Stones hurlant dans les oreilles. Je traverse la ville comme un fantôme, arrive à l'usine juste à l'heure. 8 Heures devant le même atelier à répéter les mêmes gestes. J'exécute sans réfléchir. Mon corps est dans une routine insignifiante mais mon âme est ailleurs. Je revois Varsovie sous la neige, ton sourire framboise et des tangos à n'en plus finir. Mais le songe est éphémère, le patron nous sommes d'augmenter la cadence. Aller plus vite, toujours plus vite. Il faut sacrifier ta santé et ta dignité pour que les actionnaires remplissent leurs piscines intérieures de putes tchèques à peine majeures. Il paraît que la révolte gronde, que le peuple en a marre mais je ne vois rien venir. Je ne vois rien d'autre que de la résignation et du désespoir dans les yeux des collègues. Et dans les miens aussi. Il n'y a plus d'idéaux, plus de rêve auquel se raccrocher. Juste une question de survie, sans éclat et sans joie. Alors j'attends. J'attends la fin de la journée, me retrouver au bar entre amis. Quelques clopes, quelques bières, des discussions footballistiques au comptoir et des voyages à la térébenthine dans l'intimité des toilettes. Quelques heures de répit.
J'ai la délicate sensation que pour l'instant l'horloge se fout de ma gueule alors je recharge mon agrapheuse comme on rechargerait un flingue en sachant très bien qu'un jour ou l'autre tout cela finira mal.