jeudi 13 septembre 2012

Lettre à ...

Je suis cette ville qui s'endort dans la symphonie des sirènes. Je suis le vent qui caresse tes jambes nues, cet instant qui transforme l’éphémère en éternité. Je suis le sourire de cet enfant, l'espoir réfugié dans l'innocence. Je suis ce paradis teinté de rouge devant l'enfer blanc. Je suis les lèvres de la femme amoureuse, les gouttes de sang qui peuplent nos rivières. Je suis cette sensibilité à fleur de peau qui ne supporte pas la confrontation au monde. Je suis ces larmes qui coulent le long de tant de joues, cette chanson que l'on fredonne sans comprendre les paroles. Je suis la flamme qui refuse de s'éteindre. Je suis cette guitare qui passe de mains en mains, ces paradis artificiels à la recherche d'un bonheur illusoire. Je suis ce nuage qui s'oppose à la force du vent.



Te souviens tu de moi ?

samedi 23 juin 2012

Banquette arrière d'un taxi aux vitres teintées
Du rimel le long des joues d'une pute cocainée
Du rouge à lévres, des collants déchirés.
J'aimerais rire, pleurer, crier
Juste me sentir exister.
Je lui ordonne de danser,
Ses va et vient désordonnés
Sur mon corps anesthésié
N'ont pas l'effet escompté.
Ma main caresse ses cheveux, désabusée.
Par la vitre j'aperçois la pluie m'accabler.
Dans une navrante banalité
Je lui sors quelques billets
Comme une éphémère sérénité.
La nuit finit toujours pas triompher

Interdiction de fumer

dimanche 6 mai 2012

Le rêve pourpre

Un café au comptoir. Quelques cigarettes. Et Nina, serveuse inamovible, dont le monologue scande mon petit déjeuner d'un goût amer.

"Tu devrais arrêter de fumer. Et dormir aussi, t'as vu tes cernes? T'es déjà allé au Danemark ? J'ai vu un reportage sur la TNT hier, c'est joli. En parlant de ça, j'ai vu Mathieu l'autre soir. En boîte. Tu te souviens de Mathieu ? On était à la fac ensemble. Il est photographe maintenant, il vit à Helsinki. Je sais Helsinki c'est en Finlande pas au Danemark mais voilà, c'est le Nord quoi. On a fait l'amour dans les toilettes. Enfin on a baisé plutôt. Il s'est vachement amélioré en dix ans. Et puis ça a l'air de bien marcher pour lui, quand je lui ai dit  que j'étais serveuse il a voulu me payer. Je suis pas une pute mais bon, je pourrai au moins payé mon loyer ce mois ci. T'es toujours au RSA toi ? Faudrait qu'on se fasse un resto' un de ces jours. Je paierai, t'en fais pas."

Mon silence de l'interrompt pas. Je ne suis même pas sur qu'elle l'ait remarqué.

"Tu penses toujours à elle? Ca fait deux ans maintenant, tu devrais passer à autre chose. Tu sors un peu? Regarde la brune au coca light sur la terrasse , c'est ton genre non? Va lui parler!"

C'est vrai qu'elle était belle, un regard rieur et un rouge à lévres framboise, véritable hymne à l'indécence. Ses jambes croisées faisaient apparaitre le haut de ses bas provoquant chez moi une envie intense de tomber amoureux. Un instant j'ai voulu l'aborder, lui emprunter son lipstick afin d'écrire un poème à même sa peau et lui laisser mon numéro en tatouage sur sa clavicule gauche. Mais j'ai finalement soupiré, allumé une nouvelle cigarette et recommandé un café.

"Tu n'as plus de courage. Tu es devenu lâche."

J'ai toujours su que l'amour laissait des traces.

jeudi 22 mars 2012

Sarajevo mon amour

C'est étrange comme prénom. Etrange mais beau.

Je crois que j'ai instantanément été intrigué par cette fille. Elle était paumée, ses yeux inondés d'une tristesse irrévocable. Sa peau d'une blancheur immaculée contrastait violemment avec la noirceur naturelle de ses cheveux qu'elle portait jusqu'à la nuque avec une frange qui accentuait son regard tout aussi noir. Elle fuyait la confrontation visuelle comme pour nous épargner sa peine. Je crois que c'était aussi une façon de fuir un éventuel échange verbal , une manière physique de dire "Je n'ai pas envie de vous parler, laisser moi seule me consumer de ce mal être".

Cela ne m'a pas découragé et je l'ai quand même invité, pas directement mais de quelques mots griffonnés sur une serviette en papier "Viens avec moi en haut de la colline, on va toucher les nuages." J'ai eu peur que jamais elle ne me rejoigne mais elle est venue et ce fut poétiquement convulsif. Nous nous sommes régulièrement revus et je crois qu'elle tombait amoureuse de moi. Pour autant la mélancolie de son regard n'avait pas disparu. Cela ne me dérangeait pas, bien au contraire. Je n'avais jamais eu la prétention de la rendre heureuse et je concède que son désespoir permanent m'aidait à assumer mes angoisses et cette lourdeur qui émane de moi. J'ai toujours été dans l'incapacité d'affronter le quotidien un sourire aux lèvres et la présence de Sarajevo, si elle ne m'aidait pas à trouver une certaine quiétude , m'apportait une liberté mentale dans ce mal être. Sa tristesse permettait à la mienne d'exister librement,

et réciproquement.

Un jour, alors que j'étais certain des sentiments de Sarajevo, j'ai essayé de me persuader de mon amour pour elle. Chaque soir, fumant une cigarette et regardant les étoiles je me répétais inlassablement "J'aime Sarajevo. J'aime Sarajevo. J'aime Sarajevo." Mais si mon cerveau fut convaincu, mon coeur, lui, ne cessait de battre une ancienne idylle pourpre comme l'enfer.

Je devais l'honnêteté à Sarajevo et lui avoua "Je ne t'aimerai jamais que du cerveau". Elle esquissa un léger sourire et d'une voix douce mais quasiment inaudible, me répondit "Je t'aime". Et pour la première fois depuis notre rencontre je vis jaillir de ses yeux noirs une larme couleur sang qui dévala le long de sa joue avant de s'écraser sur le sol dans un bruit sourd .

Sarajevo rentra chez elle, seule, et j'eus alors l'abominable sensation d'avoir fait verser la goutte de tristesse de trop, celle qui fera déborder son coeur.

Le soir même j'ai voulu m'excuser, la prendre dans mes bras et lui susurrer des poèmes d'Aragon à l'oreille.

Je n'en ai pas eu le temps.

A peine rentrée dans son appartement,

Sarajevo s'est suicidée.

Je ne l'ai jamais embrassé.